Les Carrés d'Hélène
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Guillaume TAVERNIER
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Guillaume TAVERNIER


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MessageSujet: Nouvelles fonctionnalités sur ce forum.   Nouvelles fonctionnalités sur ce forum. Bouton13Mer 27 Fév 2008 - 12:47

Bonjour à tous,

C'est bien plus agréable qu'avant ! Very Happy

Je viens de découvrir les nouvelles fonctionnalités implémentées à ce forum, notamment pour ce qui concerne la composition des messages.
Personnellement, j'apprécie aussi beaucoup la possibilité d'expliquer pourquoi on "édite" un message. Cela peut apporter une forte valeur ajoutée à la compréhension et à l'intérêt des réflexions posées.

J'ai aussi pu tester la fonction de recherche intégrée. Là aussi, super !

Merci, Hélène, pour ces améliorations !

Et puis, pour finir, j'ai remarqué également que l'on pouvait, à partir de la liste des membres, composer sa propre "liste d'amis"...
Ce serait pas mal, par exemple, pour pouvoir échanger instantanément avec un "ami" lorsque on le voit "en ligne".
Cela augurerait-il de l'installation d'un possible module de "chat" dans le futur ? bounce

Bien amicalement,

Guillaume TAVERNIER
.


Dernière édition par Guillaume TAVERNIER le Jeu 28 Fév 2008 - 10:20, édité 1 fois (Raison : Complément au message.)
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MessageSujet: Aïe !   Nouvelles fonctionnalités sur ce forum. Bouton13Ven 29 Fév 2008 - 17:04

Non, Guillaume,

tout ça n'augure pas l'intégration du chat
bien qu'il existe en possibilité !

En fait, je suis assez réfractaire au chat
qui permet des commentaires et réactions
impulsifs donc immédiats et donc,
trop souvent très superficiels...

Ce qui va, à mon avis, à contrario
de ce que nous tentons ici, soit
une réflexion, une médiation
et une tentative d'approfondissement.

Mais pour pousser le bouchon plus loin
et pour satisfaire quelques tendances sadiques Smile
je vous renvoie à un article de l'Encyclopédie Universalis
découvert à partir de l'occurence "immédiat"
qui est probablement incompréhensible à la plupart d'entre nous...

- - - - - - - - - - - - - - - - - -

IMMÉDIAT

La constitution du mot recèle le nœud des problèmes philosophiques où s’embarrasse la pensée qui veut prendre l’immédiat pour objet. Mieux vaudrait dire: sa re -constitution puisque l’adjectif substantivé – » immédiat » – n’est que le double tardif du substantif « immédiateté ». Qu’on ne tienne pas cette formation seconde pour secondaire. Les deux mots ne font pas double emploi; il y a plutôt redoublement significatif, réajustement du signifiant au signifié: comme si l’immédiateté, dans son abstraction, avait laissé échapper l’essentiel de ce qu’elle veut désigner: la réalité riche et concrète de l’immédiat.

Cette réforme du langage indique bien les exigences spéculatives auxquelles elle répond: celles de certaines philosophies du « vécu », de la « conscience », de l’« existence »... Mais, loin de résoudre les difficultés inhérentes à la notion, elle les rend plus criantes; c’est là son grand mérite. À le prendre au mot, en effet, l’immédiat se donne pour la simple négation du médiat. C’est dire qu’il doit être tenu pour second par rapport à ce dont il est la négation. Or, il est précisément de l’essence du médiat de ne pouvoir être premier, de supposer dans sa définition même, à titre de « précédent », un immédiat. Ainsi s’inversent les termes, à l’infini: le cercle est décrit qui du définissant renvoie sans cesse au défini, et réciproquement.

Le « sophisme », quittée l’abstraction de la logique, prend la dimension d’une tragédie: la figure de cet étrange piège où se débat le poète dont la pensée s’épuise à vouloir s’arracher à soi-même pour recueillir, pure de tout artifice, toute la réalité du réel. Drame de l’impuissance à saisir par le verbe « le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui » (Mallarmé). Ineffable bonheur si, le temps d’un souffle ou d’un soupir », « les sables du temps se changent en grains d’or » (Edgar Poe).

Ce drame est celui de la vie même du poète; c’est aussi la voie qui mène à l’imaginaire où, dans une transparence sans obstacle, se résout la contradiction et se concilient les inconciliables.

Le philosophe, lui, n’a pas cette ressource. C’est pourquoi l’immédiat hante toute l’histoire de la philosophie. On pourrait, en effet, soutenir que toutes les « théories de la connaissance » ne déploient le champ de leurs catégories qu’entre deux points d’immédiateté: entre l’immédiateté donnée (dans le vécu) du sujet aux objets extérieurs et l’immédiateté ultime du sujet à son objet (de connaissance). Ne s’achèvent-elles pas toutes au jour de la Vérité, conçue comme « adéquation de la chose et de l’esprit », lorsque est annulée, dans la manifestation de l’essence en personne du réel, la distance qui sépare ces deux immédiats?

C’est une telle problématique qui, semble-t-il, est à l’œuvre, secrète ou évidente, dans la « philosophie classique », de Descartes à Hegel. Entre l’idéalisme cartésien et son image renversée, le sensualisme du XVIIIe siècle, s’opère autour de l’immédiat un singulier mouvement de pivot: de la transparence immédiate de son objet à la « lumière naturelle », on va vers celle d’une Nature conçue comme lumineuse à l’esprit qui observe.

Deux issues sont alors possibles, et deux seulement: ou bien l’on brise le cercle en rejetant les deux points de l’immédiat en deçà et au-delà de la connaissance – c’est ce que fait Kant; ou bien l’on tente de penser le cercle et l’on pose la coïncidence des deux points – c’est ce que fait le système hégélien, où l’origine s’avère être la fin, et la fin l’origine; l’immédiat est tout à la fois l’ultime et le primitif; et, pour faire retour au point de départ de cet article, à la fois le plus riche et le plus pauvre, le plus concret et le plus abstrait. L’œuvre épistémologique de Gaston Bachelard est, sur ce point, d’une nouveauté radicale. Tirant les leçons de la pratique scientifique contemporaine, elle montre que toute théorie philosophique de la connaissance est, dans son principe même, incapable de penser le caractère réellement historique et socialisé de la production des concepts scientifiques. Elle nous permet de caractériser le cercle de l’immédiat comme « philosophique », et les deux issues kantienne et hégélienne comme étant de fausses sorties. Elle proclame, contre toute philosophie, la « défaite de l’immédiat », tout en reconnaissant ses droits dans cet Autre de l’épistémologie qu’est la « poétique ».
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MessageSujet: Suite de l'article "immédiat"   Nouvelles fonctionnalités sur ce forum. Bouton13Ven 29 Fév 2008 - 17:06

1. Le privilège de l’immédiat

La certitude cartésienne et le médiateur transcendant

La philosophie cartésienne s’adosse à une découverte scientifique, celle de la géométrie algébrique, ou « géométrie analytique ». L’essentiel de cette découverte est consigné dans le Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences . Constatant que les méthodes algébriques s’appliquaient aussi bien à la géométrie qu’à l’arithmétique, à l’espace qu’au nombre, Descartes, défiant le cosmos aristotélicien, faisait de l’espace une entité intelligible au même titre que le nombre. Il fondait la possibilité d’une physique théorique. Mais le même Discours expose les catégories philosophiques dans lesquelles il réfléchissait son œuvre scientifique: que l’évidence est le seul critère de la vérité; que, dans le sensible, il n’y a d’intelligible que l’espace et le mouvement.

Ici apparaît, sous une double forme, ce qu’on peut appeler le « privilège » de l’immédiat: les êtres mathématiques, sur le chemin qui mène Descartes des opinions vagues et adventices à la certitude du cogito , ont une évidence paradigmatique. Ils s’imposent à la pensée, car ils ont « leur vraie et immuable nature », mais c’est soi-même que la pensée y retrouve, sans médiation. Opération purement intuitive, qui peut être érigée en modèle (provisoire) de certitude. C’est dire que les mathématiques éveillent la suspicion sur le médiat : dans leurs propres démonstrations, les géomètres devront parcourir, et reparcourir les longues chaînes de raisons le plus vite possible afin que, par une sorte d’artifice psychologique, s’abolissent les médiations dans le coup d’œil final. Autrement dit, pour Descartes, le médiat, toujours en droit réductible à l’immédiat, ne lui est pas hétérogène. Précision essentielle puisqu’elle pare à ce qui menace toute philosophie de l’immédiat qui veut, tout en s’en tenant aux données de la conscience, fonder la nécessité des lois de la science: le temps de penser sous la forme de la mémoire toujours soupçonnée d’être chancelante. On comprend aussi pourquoi Descartes devait dépasser ce « mathématisme » de la certitude: l’immédiat de la certitude psychologique, s’il pouvait tenir lieu de modèle, ne pouvait remplir le rôle de fondement. Voici donc que se fait sentir la nécessité d’un médiateur qui nous assure de l’immédiateté de l’immédiat, qui garantisse la certitude du cogito formellement identique à celle des mathématiques; ce médiateur sera le Médiateur , Dieu.

Une fois la certitude mathématique fondée , la structure de la connaissance du monde extérieur est fixée: qu’on se réfère à l’ordre des Méditations où l’essence (Méditation cinquième ) précède l’existence (Méditation sixième ), on se convaincra que l’opération de la « lumière naturelle » consiste à dégager du sensible l’essence intelligible qui lui est homogène et immédiatement assimilable. On comprend aisément, d’après ce qu’on vient de dire, que cette essence soit mathématique. Il va de soi que, du même coup, elle tombe sous la juridiction du Médiateur: on connaît la thèse centrale de l’ innéisme ; c’est Dieu qui a mis dans l’esprit de l’homme les semences des vérités éternelles. Ainsi le point ultime de la théorie cartésienne de la connaissance est bien une immédiation; cette immédiation requiert, comme fondement, la garantie d’un médiateur transcendant.

Or, il faut remarquer que Dieu n’est pas seulement créateur des vérités éternelles, mais, selon l’expression de Descartes, « providence du vivant »: par là il garantit aussi l’immédiateté première, celle du contact avec le monde extérieur, qui, semble-t-il, est corrélative, dans toute théorie de la connaissance, du point ultime. On connaît les passages de la première et de la deuxième méditation où Descartes, relevant les illusions des sens et les préjugés de l’enfance, dénonce le caractère trompeur de cette immédiateté. Elle aurait donc un rôle purement négatif. Mais cette immédiateté, trompeuse dans l’ordre de la connaissance, est la condition même de la pensée: c’est parce que, par la grâce de Dieu, nos sens sont de « bons moniteurs » dans l’usage de la vie; c’est parce que notre organisme répond adéquatement et immédiatement aux dangers qui le menacent que nous ne sommes pas, comme les animaux, tout entiers absorbés dans la conservation de notre intégrité vitale. Il fallait que ce que nous appelons le « réflexe » précède la réflexion pour que la pensée puisse se produire. Dieu y a pourvu.
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MessageSujet: Suite de l'article "immédiat" (2)   Nouvelles fonctionnalités sur ce forum. Bouton13Ven 29 Fév 2008 - 17:06

Le sensualisme

L’exemple cartésien est donc très instructif: l’immédiat joue dans cette théorie de la connaissance le rôle de modèle , de point ultime et de condition de possibilité ; mais, en même temps qu’elle en reconnaît le privilège, elle avoue les limites de l’immédiat par le recours constant qu’elle suppose à un médiateur transcendant, garant de toutes les immédiations, Dieu.

Le sensualisme du XVIIIe siècle qui se veut et se dit anticartésien n’est que la figure « renversée » du cartésianisme. Louis Althusser l’a plus d’une fois montré: le rapport d’un problème à son inverse est du même type que celui d’un objet à son image inversée dans un miroir, c’est-à-dire que ses termes comme sa structure (la « problématique ») sont conservés quoique inversés. Il en est ainsi du sensualisme par rapport à l’innéisme cartésien. Pour un empiriste, en effet, tout le procès de la connaissance réside dans l’opération dénommée « abstraction ». Connaître, c’est abstraire de l’objet réel son essence; l’abstraction est conçue comme une extraction . Cette extraction n’est autre que la découverte dans le réel de l’essence qui y est recelée – contenue et cachée. On doit donc admettre que si l’essence n’est pas immédiatement visible, c’est qu’elle est recouverte et enveloppée par la gangue de l’inessentiel. « La connaissance, écrit Althusser, est donc déjà réellement présente dans l’objet réel qu’elle doit connaître, sous la forme de la disposition respective de ses deux parties réelles. »

Le point de départ de la connaissance est conçu dès lors comme contact immédiat entre le réel – essentiel inessentiel – et l’esprit qui reçoit ses « impressions »; le point ultime est atteint lorsque le partage s’est effectué et que l’esprit voit paraître, dégagée de sa gangue, l’essence même du réel; lorsque enfin s’est abolie dans un contact immédiat l’opération de la connaissance, la série des médiations. Mais, de nouveau, les deux immédiats ne peuvent se soutenir eux-mêmes: ils réclament un fondement ; entre la pensée et le réel, il faut supposer quelque « harmonie préétablie », Dieu ou Providence, pour rendre compte de la possibilité de l’immédiation.

Le point de fuite n’a pas varié: en définitive la structure du « problème de la connaissance » est la même que chez Descartes. Que la lumière naturelle se découvre elle-même dans l’essence du réel, ou que ce partage se fasse sur la base des impressions que la nature produit directement dans notre esprit (conçu comme « cire molle » ou « feuille de papier vierge »), c’est tout un. Le privilège accordé à l’immédiat dans ces théories ne semble avoir d’autre sens que d’assurer la transcendance du médiateur divin.

2. L’illusion de l’immédiat

Kant: l’immédiat aux portes de la connaissance

Dans la Critique de la raison pure , Kant dénonce ce privilège de l’immédiat comme une imposture, comme une illusion. La « révolution copernicienne » faisant de l’objet de la connaissance une construction du sujet connaissant, Kant est amené à rejeter hors de la connaissance toute forme d’immédiateté. D’une part, dans notre contact avec le monde, nous n’avons affaire qu’à des phénomènes ordonnés suivant les formes a priori de l’espace et du temps, si bien que nos représentations les plus immédiates, du fait même qu’elles sont des re -présentations, sont déjà médiatisées. La connaissance de la cause qui produit en nous la représentation nous est irrémédiablement interdite par notre « constitution subjective ». Le pur immédiat se trouve rejeté en deçà de la connaissance. D’autre part, au terme de la construction de l’objet, point final de la théorie de la connaissance, on ne peut pas davantage espérer atteindre la chose telle qu’elle est en elle-même par une « intuition intellectuelle » comme celle qu’impliquait la théorie cartésienne: c’est un privilège qui est réservé à un être divin; l’homme ne saurait y prétendre.

On comprend pourquoi Kant a consacré de longues pages à réfuter Descartes. C’est dans la critique de la « psychologie rationnelle » que Kant examine le cas de l’« idéalisme problématique » de Descartes. « Problématique »: Kant part en effet du résultat de la Méditation sixième pour en souligner le caractère insuffisant: « Je n’ai aucune raison, y écrit Descartes, de ne pas croire à l’existence des objets extérieurs. » Kant traduit: l’idéalisme cartésien s’est mis dans l’impossibilité d’établir de façon positive l’existence du monde extérieur; il reste problématique. Or, la raison qu’invoque Kant est, pour nous , très significative: c’est, dit-il, que Descartes a commencé par affirmer que le cogito était la « révélation immédiate » de l’être pensant; il a dès lors établi un déséquilibre entre le caractère immédiat de cette révélation et le caractère médiat de la connaissance des objets extérieurs. Selon Kant, le cogito n’est que la représentation d’une unité de conscience en laquelle est liée toute représentation: l’unité du « je pense ». L’erreur de Descartes est donc d’avoir confondu cette simple unité avec ce que Kant appelle le « moi empirique » ou « la conscience empiriquement déterminée », c’est-à-dire avec le flux de mes représentations, la diversité de mes pensées. C’est une illusion qui me fait prendre ces représentations pour la révélation immédiate d’un être: elles sont des représentations au même titre que celles des objets extérieurs. La seule différence tient à ce qu’elles sont ordonnées selon le temps – sens interne – au lieu de l’être selon l’espace – sens externe. Ainsi, l’esprit ne peut s’apparaître à lui-même que tel qu’il s’apparaît et non tel qu’il est en soi. L’immédiateté cartésienne, point ultime de la connaissance, est rejetée par Kant au-delà de la portée de l’homme. L’impossibilité de l’atteindre signe la finitude humaine. Kant réussit ainsi à échapper au piège de l’immédiat et à son corrélat: la nécessité d’admettre un Dieu – médiateur transcendant – pour fonder la connaissance. Mais la solution est onéreuse: il faut admettre que la cause de nos représentations est inconnaissable; que l’objet de notre connaissance, tel qu’il est en lui-même, nous restera à jamais inconnu. N’est-ce pas, sous une forme nouvelle, soumettre la pensée humaine à une transcendance singulièrement limitative?

Le point de l’immédiateté absolue

C’est du moins ce que pense Hegel qui, rejetant la notion de chose en soi, rabat, en quelque sorte, les deux points d’immédiateté l’un sur l’autre au lieu de les distendre à l’infini comme l’avait fait Kant. Solution inverse, mais ici les conséquences sont encore plus exorbitantes . On aperçoit d’emblée que si les deux points coïncident, le processus de la connaissance doit être circulaire : la série des médiations n’a de sens que de re-conduire la pensée d’un premier immédiat à un immédiat ultime qui se révèle à la fin n’être que l’immédiat premier. C’est dire que le processus est à la fois circulaire et téléologique . Hegel a décrit dans la Phénoménologie de l’esprit ce chemin de la conscience qui va de l’immédiateté de la connaissance sensible au Savoir absolu, point où l’Esprit se saisit lui-même, où certitude et vérité sont réconciliées, point qui serait, pour ainsi dire, celui de l’immédiateté absolue. On sait quels présupposés soutiennent cette démarche: pour que Hegel pût parvenir au Savoir absolu dans la Phénoménologie , il fallait que l’histoire se fût achevée avec lui.

L’œuvre de Hegel a du moins cet intérêt de boucler le « cercle philosophique » de l’immédiat. On peut circonscrire le champ de ses inévitables apories: si le « problème de la connaissance » consiste pour un sujet donné à s’emparer de l’essence d’un objet qui lui fait face, l’immédiat apparaît comme fondement et point ultime, mais son « évidence » demande elle-même à être garantie; si on fait de l’objet une construction du sujet, résultant de ses facultés intellectuelles, l’immédiat, quoique dévalué, reparaît sous la forme de limite absolue de la connaissance; l’idéal jamais atteint serait, comme l’a bien vu Hegel, que dans une immédiateté absolue l’essence s’apparaisse elle-même à elle-même comme transcendant les bornes de la subjectivité.

Mais alors les termes de toute théorie de la connaissance se trouvent évacués: entre le sujet et l’objet point d’extériorité, point d’hétérogénéité; la philosophie de Hegel, a-t-on dit, est une philosophie de la médiation; elle est tout autant une philosophie de l’immédiat, s’il est vrai que, « entre l’immédiat et le médiat, il n’y a pas d’opposition réelle ». Elle dit la vérité de la position de l’immédiat dans l’histoire de la philosophie. Mais, au moment où elle le dit, elle le dénie puisque, assumant le cercle, elle y reste prise.

3. La défaite de l’immédiat

Prenant pour objet les problèmes et les résultats des sciences contemporaines, leur travail réel, Gaston Bachelard, après avoir rejeté les catégories philosophiques traditionnelles des « théories de la connaissance », proclama, dès 1934, la « défaite de l’immédiat ». On ne s’étonnera pas de ce double geste: rejeter les unes, c’était s’affranchir de l’autre. Ce que Bachelard découvrait, c’est que les couples d’oppositions philosophiques sujet-objet, abstrait-concret, etc., ne parvenaient pas à rendre compte des derniers progrès de la microphysique. Partant de ce fait, il lui donna une portée générale: l’enquête historique prouvait que les catégories philosophiques « restaient immuablement étrangères » à la pratique des savants. Selon les philosophes, la connaissance part de l’immédiat: pour les savants, elle rompt avec l’immédiat pour construire – au sens théorique et matériel – son « objet »; selon les philosophes, l’objet qui est dégagé au terme du processus de connaissance peut être saisi par une intuition immédiate de l’esprit; au contraire, pour les savants, l’objet construit est plutôt une « touffe » de problèmes qu’une pensée achevée. Les longues pages où, dans la Formation de l’esprit scientifique , Bachelard s’attache à montrer qu’il existe une « rupture » entre l’immédiat (« l’expérience première ») et la connaissance scientifique, sont justement célèbres. Méconnaître cette rupture, c’est être victime d’un « obstacle épistémologique », c’est annuler l’abîme qui sépare l’expérience vécue de l’expérience théoriquement normée et techniquement ordonnée des sciences physiques. À ses yeux, dans une science, « rien n’est donné, tout est construit ». De ce point de vue, parler, comme Bergson, de « données immédiates de la conscience » est tout simplement un non-sens. « L’esprit scientifique, écrit Bachelard, doit se former contre la Nature, contre ce qui est, en nous et hors de nous, l’impulsion et l’instruction de la Nature, contre l’entraînement naturel, contre le fait coloré et divers. » La nécessité apparaît alors de rectifier la définition de ce que la philosophie appelle traditionnellement le réel . Le « réalisme » de la science ne saurait être que de « seconde position », ce ne peut être qu’un réalisme « en réaction contre la réalité usuelle, en polémique contre l’immédiat ». « Si d’ailleurs, ajoutait-il dans un de ses derniers ouvrages, on voulait faire le point entre la philosophie du donné et la philosophie du construit, il faudrait souligner, à propos de la philosophie corpusculaire, un véritable effacement de la notion de donné , si traditionnellement reçue dans la philosophie. » Il faut préciser qu’au-delà des philosophies contemporaines de la « conscience », Bachelard entrait par là en polémique avec toute tentative d’élaboration philosophique d’une théorie de la connaissance, en congédiant les catégories de sujet et d’objet, de concret et d’abstrait, etc., comme inopérantes dans le champ des sciences. Il dénonçait comme obstacle l’idée qu’il pouvait y avoir un sujet de la science. Il montrait enfin que le seul sujet de la science n’était que la « cité scientifique », ou encore: « l’union des travailleurs de la preuve ». Dès lors la connaissance ne doit pas être pensée comme « découverte » ou « dévoilement » de la vérité, mais comme production historique et « socialisée » de concepts scientifiques. Que la connaissance soit production , voilà sans doute l’acquis le plus précieux de l’épistémologie bachelardienne. Qu’elle soit travail, indissociablement théorique et technique, sur cette « matière » que devient l’immédiat, voilà qui n’était pas pensable pour la philosophie traditionnelle. Voilà qui brise le cercle philosophique de l’immédiat. De nouvelles tâches s’offrent alors à l’épistémologie: élaborer un concept adéquat de « production scientifique », de « travail », d’« expérimentation », bref, les concepts qui lui permettront de penser l’histoire des sciences.

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J'espère que vous vous êtes bien amusé à cette lecture !!
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MessageSujet: Re: Nouvelles fonctionnalités sur ce forum.   Nouvelles fonctionnalités sur ce forum. Bouton13Lun 3 Mar 2008 - 12:26

LN a écrit:
J'espère que vous vous êtes bien amusé à cette lecture !!

Oui, merci !

Mon dico et moi-même nous sommes beaucoup divertis ! bounce

Beau début de dissertation, mais... incomplèt !
Thèse et anti-thèse semblent être bien là.
Mais... où est la conclusion ? Shocked

très amicalement,

Guillaume TAVERNIER.
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